ISOCYANATES

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Mis à jour en décembre 2023

Les informations fournies par cette fiche sont indicatives, sans valeur légale et sans caractère obligatoire.

Définition de la nuisance ou situation dangereuse

Les isocyanates sont des substances caractérisées par la présence dans leur formule d’une ou plusieurs fonctions N=C=O qui entrent en réaction avec un polyol pour former un polyuréthane (PU). Les PU font partie des matières plastiques thermodurcissables. Les isocyanates se distinguent entre eux par le nombre de leurs groupements isocyanates -N=C=O : monoisocyanates, diisocyanates, polyisocyanates.

Les isocyanates les plus utilisés dans l’industrie sont des diisocyanates avec 2 fonctions isocyanates -N=C=O : le TDI (2,4 et 2,6 toluène diisocyanate, le plus volatil), le HDI (1,6 hexaméthylène diisocyanate) et le MDI (4-4’-diisocyanate de diphénylméthane et isomères). D’autres comme le NDI (naphtylène diisocyanate) et l’IPDI (diisocyanante d’isophorone) sont également rencontrés en milieu industriel.

En parallèle de ces formes monomères, il existe également des polymères ou polyisocyanates moins volatils, comme le pMDI ou diisocyanate de diphénylméthane prépolymérisé qui est un mélange, de composition différente selon le fabricant, contenant du 4,4’-MDI, du 2,4’-MDI et des oligomères.

Dans le BTP, de nombreux salariés peuvent être exposés aux isocyanates par l’intermédiaire de colles, enduits, mastics, peintures, vernis, laques, produits d’étanchéité (joints, produits de scellement), résines (revêtement de sols) et mousses expansives de polyuréthane en bombes aérosol ou projetées… Tous les isocyanates contenant des groupements N=C=O libres peuvent engendrer des pathologies.

Les produits contenant des isocyanates se présentent sous 2 formes :

  • Forme bi composant qui comporte une base polyol (dont il convient de vérifier la composition) et un durcisseur diisocyanate mélangés par l’utilisateur
  • Forme monocomposant avec un produit prêt à l’emploi comme des bombes de mousses expansives, mastics, enduits…

La découpe, ponçage, meulage, soudage de revêtements à base de polyuréthane génère de la chaleur et peut s’accompagner de faible émission d’isocyanates dans l’atmosphère, comme le MDI, le HDI, le TDI.

Le règlement européen du 3 aout 2020 modifiant le règlement REACH a fixé des restrictions à l’utilisation et à la mise sur le marché des diisocyanates :

  • Une mention obligatoire doit apparaître sur l’étiquette : « A partir du 24 août 2023, une formation adéquate est requise avant toute utilisation industrielle ou professionnelle ».
  • A partir du 24 août 2023, l’utilisation de mélanges contenant des diisocyanates dont la concentration est supérieure ou égale à 0,1% en poids sera possible à condition que l’utilisateur ait suivi avec succès une formation préalable puis renouvelée tous les 5 ans.

Danger

Les isocyanates sont de puissants sensibilisants cutanés et surtout respiratoires. La pénétration dans l’organisme se fait essentiellement par inhalation de vapeurs ou d’aérosols. Différentes études mettent en évidence un risque d’absorption par voie cutanée. Parmi les diisocyanates, le TDI est le plus volatil (Pression de vapeur 2,1Pa à 20°C) ; le 4,4’ MDI, moins volatil (Pression de vapeur 0,002Pa à 20°C), peut néanmoins pénétrer par voie respiratoire et cutanée.

Toxicité aiguë :

  • Irritation cutanée et dermatites de contact allergiques
  • Irritation oculaire, conjonctivite
  • Irritation des voies aériennes supérieures
  • Pouvant aller jusqu’au bronchospasme et à l’œdème pulmonaire si concentration massive
  • Séquelle possible sous forme de syndrome de Brooks (Reactive Airways Dysfunction Syndrome -RADS) avec hyperréactivité bronchique (toux, gêne respiratoire, sibilants) persistante à distance de l’épisode aigu
  • Signes neurologiques (vertiges, troubles de l’équilibre, céphalées), d’imputabilité douteuse (exposition concomitante fréquente au monoxyde de carbone)

Toxicité chronique :

  • Eczéma de contact
  • Rhinite
  • Asthme qui peut apparaître après plusieurs mois ou années d’exposition. Après sensibilisation des manifestations asthmatiques pourront se produire à de très faibles concentrations.
  • Pneumopathie d’hypersensibilité avec syndrome pseudo-grippal, beaucoup plus rare

Tâches et postes

Historique : les premiers effets pathogènes sont rapportés en 1951 (asthme aux isocyanates). Hors BTP les isocyanates sont utilisés dans l’industrie automobile, pharmaceutique, en métallurgie, dans l’industrie des textiles synthétiques, pour la fabrication d’insecticides et d’herbicides, la production d’élastomères …

Activités et situations de travail Postes de travail
Carrelage, coffrage, fondations spéciales Maçons, manœuvres
Traitement des fissures, ragréage Carreleurs, chapistes, maçons
Peinture et vernissage, Colles pour revêtements plastiques Poseur de revêtement de sols, Peintre Ravaleur, Peintre
Injection et projection de mousses PU Menuisiers, Poseur de fenêtres, charpentiers, tuyauteur
Isolation, étanchéité Etanchéistes
Découpe de produits finis (panneaux de polystyrène, de polyuréthane) Plaquistes, Menuisiers
Mortier de scellement (fermeture de boucles magnétiques) Electricien réseau / éclairage
Application de colles, mastics et mousses expansives Electriciens, plaquistes, plombiers chauffagistes, serruriers métalliers

Niveau d'exposition

Temps : durée - fréquence

 

Exposition Permanente Fréquente Intermittente Occasionnelle
% > 70 > 30 > 5 < 5
Jour > 6 heures > 2 heures > 30 mn < 30 mn
Semaine > 3 jours > 1 jour > 2 heures < 2 heures
Mois > 15 jours > 6 jours > 1 jour < 1 jour
Année > 5 mois > 2 mois > 15 jours < 15 jours

Intensité

MDI : VLEP admise 0,1 mg/m³ et VLCT 0,2 mg/ m³ (valeur établie par circulaire du 5 mai 1986 non publiée au Journal Officiel)

TDI : VLEP admise 0,08 mg/m³ et VLCT 0,16 mg/ m³ (valeur établie par circulaire du 5 mai 1986 non publiée au Journal Officiel)

HDI : VLEP admise 0,075 mg/ m³ et VLCT 0,15 mg/ m³ (valeur établie par circulaire de mai 1986 non publiée au Journal Officiel)

La proposition de Directive du parlement européen et du conseil en février 2023, adoptée par la  Commission européenne (CE), propose  une VLEP de 6µg NCO/m3 et une VLCT de 12µg NCO/m3  avec, jusqu’au 31 décembre 2028, une valeur transitoire de 10 μg NCO/m³ assortie d’une limite d’exposition de courte durée égale à 20 μg NCO/m³. Ces valeurs établissent des concentrations exprimées en masse de fonction isocyanate par unité de volume d’air (µg de NCO par m3 incluant les fonctions isocyanates des monomères et des oligomères.

Conditions d'exposition

Matériaux

Peintures, vernis, laques, colles, résines PU, mousses PU. Primaires d’étanchéité, ciments, mortiers…

Matériels

Pinceau, rouleau, pistolet, matériel de collage (spatule), pistolet d’injection et de projection.

Cofacteurs environnementaux

Température élevée

Conditions de travail

Atmosphère confinée, absence de ventilation, absence d’aspiration, température ambiante élevée

Facteurs individuels

L’atopie, le tabac ou un asthme pré existant  ne semblent pas contribuer au développement d’un asthme aux isocyanates. Les dermatoses (des parties découvertes) en évolution et les allergies avérées aux isocyanates doivent inciter à la prudence, avec surveillance accrue, en cas d’exposition aux isocyanates.

Barème de décision

Critères complets

Le score obtenu par addition des différents coefficients de pondération sert de guide pour la mise en place de la stratégie de surveillance médico-professionnelle.

Conditions d’exposition Permanente Fréquente Intermittente Occasionnelle
Matériaux

TDI – MDI – HDI

3 3 2 1
Matériel

Rouleau, pinceau spatule

1 1 0 0

Pistolet

3 3 3 1

Matériel d’injection

1 1 1 0
Cofacteurs individuels

Allergie aux isocyanates

3 3 3 3
Condition de travail

Absence de ventilation, espace confiné, température élevée

3 3 3 3

Critères simples

Application de peintures ou vernis par pulvérisation de façon fréquente ou permanente. La pulvérisation favorise l’évaporation des isocyanates.

Projection de mousse polyuréthane (isolation de structures de bâtiment).

Contenu des actions

Suivi réglementaire

Suivi individuel de l’état de santé des travailleurs

Suivi individuel renforcé : non concerné (Décret 2016-1908 du 27 décembre 2016, Art R. 4624-23  du CT)

L’employeur a la possibilité de déclarer, en cohérence avec son évaluation des risques retranscrite dans son DUERP, les postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur après avis du médecin du travail et du CSE s’il existe (obligatoire à partir de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs).

Décret 2022-372 du 16 mars 2022 : suivi post exposition et post professionnel (visite à la cessation de l’exposition, de départ ou de mise à la retraite) : Non concerné

Loi du 2 aout 2021 visite médicale de mi-carrière (Article L. 4624-2-2 du CT)

Travaux interdits

Travaux interdits aux moins de 18 ans : Décret 2013-915 du 11 octobre 2013 : concerné.

Dérogation possible selon la procédure de dérogation définie par le décret 2015-443 du 17 avril 2015.

Travaux interdits aux salariés en CDD (contrat à durée déterminée) et aux salariés temporaires (D4154-1 du CT) : non concerné

Surveillance post professionnelle

D 461-23 du code de la sécurité sociale : Non concerné

Arrêté du 6 décembre 2011 modifiant l’arrêté du 28 février 1995 abrogé par l’arrêté du 16 septembre 2022

Modalités du suivi individuel de l'état de santé

Proposition de suivi individuel de l’état de santé :

Visite d’information et de prévention initiale

  • Réalisée par un professionnel de santé (infirmier en santé travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail, médecin du travail) selon le protocole établi. Dans les 3 mois suivant l’affectation au poste ou avant l’affectation au poste exposant aux isocyanates pour les jeunes de moins de 18 ans (travaux soumis à dérogation) et pour les travailleurs de nuit. Orientation systématique vers le médecin du travail pour les travailleurs reconnus handicapés, en invalidité ou si l’âge, l’état de santé, les conditions de travail et/ou les risques professionnels le nécessitent, orientation possible des femmes enceintes qui le souhaitent.
  • Accorder une attention particulière aux personnes atteintes de pathologies respiratoires (notamment l’asthme) ou de pathologies cutanées (dermatite, eczéma…)
  • Rechercher des signes d’atteinte cutanée et/ou respiratoire
  • Examens complémentaires selon protocole : EFR.
  • Information sur le risque, sur les moyens de prévention et sur le suivi médical

Visite d’information et de prévention périodique

  • Réalisée par un professionnel de santé (infirmier en santé travail, collaborateur médecin, interne en médecine travail, médecin du travail) selon le protocole établi. Au maximum tous les 5 ans ou au maximum tous les 3 ans pour les travailleurs reconnus handicapés, en invalidité, les travailleurs de nuit, les moins de 18 ans ou si l’âge, l’état de santé, les conditions de travail et/ou les risques professionnels le nécessitent.
  • Rechercher des signes d’atteinte cutanée et/ou respiratoire
  • Examens complémentaires selon protocole : EFR
  • Information sur le risque, sur les moyens de prévention et sur le suivi médical

Visite de mi carrière afin de vérifier l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié et évaluer le risque de désinsertion professionnelle

Biométrologie :

Pour le MDI : 4,4′-méthylène dianiline (MDA) urinaire en fin de poste, pas d’accumulation de MDA urinaire en fin de semaine. La demi-vie relativement courte (2-10 h) ne permet d’évaluer que l’exposition de la journée de travail.

  • Valeur biologique d’interprétation population générale < 0,4µg/l.
  • Plusieurs auteurs (INRS) ont proposé une valeur-guide biologique de 5 µg/l en fin de poste (90ème percentile des 140 analyses réalisées chez les 61 opérateurs les plus exposés)
  • VLB à 1 µg/L est recommandée par le HSL britannique.

Pour le TDI : Toluène diamines (TDA) urinaires dans les 4 heures suivant la fin du poste (reflet de l’exposition du jour même) ou en fin de poste fin de semaine (exposition de la semaine).

  • Pas de valeur de référence française
  • ACGIH valeur biologique d’interprétation en milieu de travail : 5µg/g de créat

Remarque

Une étude de biosurveillance dans cinq pays européens HBM4EU ayant pour objectif d’harmoniser la biosurveillance aux substances chimiques s’est déroulée de 2017 à 2022. Le protocole harmonisé comporte l’évaluation de biomarqueurs  isocyanates dans différents secteurs notamment celui de la construction (adduits aux protéines à demi-vie plus longue / IgE-IgG spécifiques aux isocyanates). Les résultats sont en attente.

Traçabilité des expositions :

Renseigner le dossier médical individuel

Conserver les fiches individuelles d’exposition ACD-CMR dans le dossier médical pour les expositions aux ACD antérieures au 1er février 2012.

Conserver les fiches individuelles de prévention des expositions établies avant aout 2015.

Attestation d’exposition aux ACD pour la mise en place du suivi post professionnel pour les expositions antérieures au 1 er février 2012.

 

Prévention

Prévention collective

Substituer les produits à base d’isocyanates

Réclamer et analyser les fiches de données de sécurité de tous les produits (mono et bicomposants).

Choisir les procédés les moins émissifs (pinceau ou rouleau, pistolet basse pression …)

Ventiler ou travail à l’air libre, aspirer les vapeurs à la source

Installer des cabines de peinture

Mettre en place des mesures contre les risques incendie et explosion

Formation de tous les utilisateurs de mélanges contenant des diisocyanates  dont la concentration est supérieure ou égale à 0,1% en poids avant emploi, obligatoire à partir du 24 août 2023.  Trois  niveaux de formation sont proposés : générale (toutes applications), intermédiaire et avancée en fonction des conditions de mise en œuvre du diisocyanate et de la température.

Les associations des producteurs européens d’isocyanates ont mis en place un portail commun de formation en ligne : https://www.safeusediisocyanates.eu/fr/ 

 

Prévention individuelle

  • Information des utilisateurs des risques et des symptômes
  • Hygiène vestimentaire et corporelle, lavage des mains (passage cutané)
  •  Ne pas boire manger fumer
  • Protection respiratoire en fonction du produit, du mode opératoire et de la température : masque de protection avec filtre combiné A2 et  K (la mise en œuvre des PU fait intervenir des durcisseurs aminés) ou filtre combiné A2KP2 (aérosol). Selon les conditions de travail : ventilation assistée ou adduction d’air. En cas de mélanges ou de produits bicomposants adapter le filtre selon la composition des mélanges. Voir la FDS
  • Vêtements à manches longues ou combinaison jetable
  • Gants nitrile ou butyle – voir la FDS

Réparation

TRG n° 62.

Secours

Secourisme : formation des secouristes (STT), s’assurer de la présence d’eau à proximité : douche et Rince-œil.

Remarques

Décret 2003-1254 du 23 décembre 2003 relatif à la prévention du risque chimique et modifiant le code du travail concerné

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